Alycia Gryffin (La mise en forme sera -normalement- refaite)

Ce genre de phrase, c'est le quotidien d'Alycia. Depuis toujours. Depuis 20 ans. Jamais elle n'a pu marcher dans les couloirs de son lycée sans les entendre. Jamais elle ne s'est baladée dans la rue sans voir un regard qui en disait long, ou sans phrase graveleuse d'un homme. Et à chaque fois, elle y répondait par l'indifférence. A quoi bon répondre ? Cela n'arrêterai pas les critiques, et puis, s'énerver ne sert à rien. Elle l'avait appris à ses dépends. S'énerver, c'est ce qu'ils veulent. Eux. Ceux qui critiquent. Et puis, ils n'avaient pas tout à fait tord. Elle n'était pas avenante : elle ne souriait pas sans raison, à quoi bon faire semblant ? Et pour être franc, ça l'arrangeait que les gens ne viennent pas vers elle. Pourquoi s'entourer de gens fourbes, sournois, hypocrites, qui resteront autour de toi que s'ils espèrent soutirer quoi que soi de ta personne ? La solitude, c'est bien mieux. On évite les ennuis comme ça. Et pourtant, dépressive, c'est loin d'être ce qu'elle est. Au contraire. Elle profite des plaisirs simples que la vie lui offre. Juste... Elle est méfiante. Et ne se mélange pas à n'importe qui. Exigeante en relation on pourrait dire. Mais cela ne va-t-il pas avec un manque de confiance en l'être humain ? Voici ce que se disait Alycia, tout les soirs, tout les jours. Pour se rassurer, probablement. Se dire qu'elle n'est pas anormale. Pas dépressive. Elle est juste elle. Même si cela ne plait pas forcément aux autres. Et au final, on s'en fou des autres, pas vrai ? L'important c'est de se plaire à soi-même ? Non ? Et au final, la méfiance, c'était la meilleure amie d'Alycia. Celle qui était là, avec elle, quoi qu'il arrive. Celle qui lui permettait de passer au dessus de toutes les critiques qu'elle recevait, celle qui faisait rebondir ces critiques sur le bouclier qu'elle a créer autour de la jeune femme. La méfiance, c'est tout ce dont Alycia a besoin pour vivre sa vie. C'est ce qu'elle s'entête à se répéter, chaque soir, avant de s'endormir. 

Et pourtant, est-ce vraiment ce qu'elle ressentait au fond d'elle même ? Elle savait que non. Malgré tout. Elle espérait encore, un jour, rencontrer au moins une personne de confiance. Une personne qui comprendrait qui elle était. Qui comprendrait sa réticence à tout ce qui attire une majorité de personne, et pourtant, en quoi elle ne peut confier sa vie. Qui comprendrait que sa méfiance est envers les gens lambda, la société, la technologie, mais qu'une personne sincère peut la dépasser. Enfin. Ceci, elle le sait bien, ce ne sont que des rêves, des fantasmes, qui, jamais, ne deviendront réels. 

Toute cette méfiance, elle se posait souvent la question, ne serait-elle pas dû à ce qu'elle a vécu avant ? En effet, à seulement 20 ans, elle est déjà orpheline. Ou du moins, c'est ce qu'elle se disait être. Bah, que pouvait-elle dire d'autre ? Que ses parents avaient été emprisonnés car c'était des rebels ? Enfin, c'est ce qu'elle avait lu dans les journaux, après être rentrée chez elle à une maison vide, porte grande ouverte, meubles saccagés... Et pourtant, comment pouvait-elle croire que ses parents, des êtres aussi gentils, calmes, et compréhensif, certes, méfiants eux aussi du gouvernement, ils ne gobaient pas tout ce qu'ils entendaient et voyaient... Mais... De là à... Non, ce n'était pas possible. Ils ne pouvaient pas être des rebels. Bref. Ce traumatisme n'explique pas tout, mais, cela n'a pas arrangé son caractère, déjà bien prégnant. A-t-elle d'autres raisons d'être ce qu'elle est aujourd'hui ? A-t-elle vécu d'autre choses, quelque chose qu'elle aurait oublié, que son cerveau... ou autre chose lui ai fait oublié ? Elle ne le savait pas... Et ne le saurait probablement jamais. Alors, autant profiter du peu que la vie, que cette vie, peut offrir. C'est pourquoi vous la retrouverez souvent à écouter de la musique, lire un livre, ou tout autre plaisir dont elle peut jouir seule. Un de ses pêchés mignons, c'est d'être invisible. De se tapir dans un coin, silencieuse, et d'observer, d'écouter. Regarder ce que font, disent les autres. Leurs embrouilles, leur hypocrisie... ça l'amuse, ça lui donne son petit sourire narquois, qu'elle trouve si sexy quand elle y pense. Et que personne d'autre qu'elle même ne semble remarquer, puisqu'il disparaissait aussi vite qu'il apparaissait.

Cette possibilité que le monde soit pas ce qu'il prétend être traumatise Alycia. Elle sait que tout est plus compliqué qu'il n'y parait. Et au final, la méfiance, la solitude, c'est un bon moyen d'y échapper, à cette complexité, n'est-ce pas ? Ces pensées occupent son esprit constamment. Et si ? Et si... Mais avec des si, on met Glascow en bouteille, pas vrai ? C'est ce que disait maman en tout cas... Elle y pensait. Des fois. A ses parents. A ces deux êtres, les seuls face à qui elle était elle même. Les seuls devant qui son bouclier tombait. Devant qui elle riait. Devant qui elle pleurait. Devant qui elle vivait. Sans eux, son monde était devenu méfiance. Elle se le répète. Encore et encore. Mais quel beau mode de survie, non ? Quelle belle protection du monde. De la Terre entière. De tout sentiment. Ses parents ont été enlevés alors qu'elle n'avait que 17 ans. Cela fait donc 3 ans, qu'elle vit dans son invisibilité, dans ses observations, dans sa méfiance, qui la fait paraitre hautaine, nonchalante et dépressive, tout à la fois. Mais bon, il faut vivre à ce qu'il parait, alors elle hausse les épaules, lève le menton, et prend son rôle tout les matins.

Une larme coula sur sa joue. Puis deux. Elle pris une grande inspiration. Les essuya. Et se retourna dans son lit. Demain, une nouvelle journée à Temperamental commencerai. Demain, elle rejoindrai les Peur, ses 'camarades'. Demain, elle devait reprendre son rôle. Après toutes ces pensées, elle ferma les yeux, et s'endormit.