La Grande Salle

Enyo arriva dans la grande salle avec assez d'avance. N'ayant personne avec qui y aller, et n'ayant aucune envie d'être ici, elle s'était dépêchée pour faire passer au plus vite ce moment. Comme d'habitude, elle avait prévue de rentrer directement à son appartement après le discours, ou peut-être même d'aller s'entraîner au gymnase, de quoi se défouler et extérioriser la colère qui commençait petit à petit à prendre le contrôle de chaque parcelles de sa peau. La jeune femme avait enfilé un pantalon en cuir noir qui mimait à la perfection ses formes, avec un bandeau noir et des chaussures à talons. Elle ne s'était pas attardée sur le reste : elle avait réunit ses cheveux en une queue de cheval assez lâche qui reposait sur une de ses épaules et avait juste remit du mascara et légèrement de gloss. Enyo était loin d'être sur son trente et un, mais, elle était tout de même présentable, comme à chaque fois qu'on pouvait la croiser en dehors des cours, en réalité. La brunette avait mis ses écouteurs dernière génération à ses oreilles tandis qu'elle pénétrait avec facilité, pour le moment, dans la salle. Lorsqu'elle se retrouva au milieu et qu'elle leva la tête vers le plafond, se situant approximativement à dix kilomètres de haut, elle fût première émerveillée, comme à chaque fois qu'elle venait ici, d'ailleurs. Mais, quelques secondes plus tard, elle fût vite dégoutée. C'était son quotidien, de toute façon, d'être dégoûtée et nauséeuse à chaque fois que son regard se posait sur un endroit quelconque de la société. Dès qu'elle rentrait dans cette salle qu'elle détestait tant, elle repensait aux nombreuses discussions qu'elle avait avec Yaël, lorsqu'ils comparaient les grattes-ciels à des barreaux de prison, étouffant et, surtout, oppressant. C'était la même chose, ici, la seule différence étant qu'elle était dans un de ses barreaux.

Enyo soupira et secoua la tête. Elle trouva rapidement un siège sur lequel s'asseoir et attendit patiemment tout en parcourant les réseaux sociaux sur son téléphone, musique toujours aux oreilles. De temps à autre, elle observait les étudiants sur leur trente et un entrer dans la salle, une seule idée en tête : faire la fête ce soir, coûte que coûte. A leur vue, Enyo baissait vite le regard. Pas par soumission ou par sentiment d'infériorité, jamais, avec ces gens là. Elle baissait juste le regard pour passer inaperçue, pour que personne ne remarque qu'elle était en décalage, qu'elle n'était pas en rythme ou sur la même longueur d'onde que les autres. C'était à peu près la même chose pour la majorité des membres du secteur Peur, mais Enyo avait cette faculté à même se détacher de son propre secteur. Elle soupira une seconde fois. Si seulement elle avait reçu la lettre avant aujourd'hui, peut-être qu'elle aurait pu faire quelque chose, au lieu de devoir attendre sur un siège inconfortable que les heures passent avant d'être libre et de pouvoir exploser comme il se doit. Mais elle resta tout de même en place, le visage fermé, toujours aussi indifférent qu'indéchiffrable. Jambes croisées, froide prestance éloignant les individus les plus téméraires et les plus insupportables, Enyo était prête et, surtout, formée, à tenir le coup. Du moins, elle pensait en être capable.

Andy avait presque oublié la cérémonie d'ouverture du campus, et c'était la foule d'élèves se dirigeant dans le sens contraire au sien alors qu'elle se rendait dans sa salle de répétition qui lui rappela ses obligations mondaines. Elle avait prévu de travailler toute la soirée sur le morceau qu'elle comptait jouer pour tenter d'entrer au conservatoire de la ville. De toute façon, elle savait qu'elle allait être prise, mais elle ne pouvait se risquer de faire une seule fausse note devant un public, alors elle bossait dur.

Bien sûr, elle n'était pas prête à pénétrer dans la Grande Salle, vêtue simplement de son jean noir et de son vieux tee-shirt AC/DC, ses longs cheveux blonds ramassés en queue de cheval sur le haut de son crâne, et les élèves qu'elle croisait, bien habillés, maquillés et parés pour l'occasion, lui donnaient une indication facile quand à la marche à suivre. Elle passa quelques minutes chez elle pour passer une chemise noire et peigner ses cheveux - elle n'avait guère besoin de plus, et jamais elle ne se serait donné plus de mal que nécessaire - et se dirigea vers la Grande Salle, débarassée du poids de son violon. Elle comptait profiter de sa soirée ; rencontrer du monde, peut-être hors de son stupide secteur joie qui faisait office de secte aux fils à papa ; boire un peu de bière, écouter le discours qui allait certainement agrémenter la fête. Et puis rentrer chez elle, s'offrir une bonne nuit de sommeil. Ou finir dans un autre lit, qui sait. Elle se laissait le bénéfice du doute.

Dans la Grande Salle, son style simple paraissait presque extravagant aux côtés des autres, mais elle n'en avait que faire. Elle partit chercher un verre à la buvette et s'installa contre un mur, adossée négligemment, buvant par à-coups le contenu de son verre en observant d'un air ennuyé un motif dans le plafond.

Yaël n'avait pas pu dormir de la nuit, encore une fois. Ces derniers jours n'avaient pas été si facile et il détestait ça. Son naturel si vif, enjoué et insouciant semblait disparaître de plus en plus depuis une semaine environ, et bien qu'il savait très bien que chacun possède ses petites périodes difficiles, c'était compliqué pour lui d'accepter que lui aussi avait le droit d'avoir ses moments de malaise. Mais bon, il ne pouvait pas s'en empêcher. En fait, son instinct (qui restait éteint, la plus part du temps) semblait lui crier que quelque chose courait à toute vitesse vers lui, et le fait qu'il n'arrive pas a décrypter ce que c'était malgré le temps qui s'écoulait le rendait assez nerveux. Ca se traduisait en insomnies, qui se traduisaient en crises d'irritabilité, qui se transformaient en flemme de vivre plus globale.

Il était resté a l'appartement dormir toute la journée, sans aller en cours, les volets fermés, sa tête enfouie sous les couvertures, à rattraper la nuit de sommeil qu'il avait manqué. Enyo et Théoden le savaient probablement vu qu'ils passaient à l'appart par moments dans la journée mais aucun d'eux ne l'avaient secoué. Dès qu'il fut réveillé, il se prépara pour la cérémonie de ce soir, et se pointa directement dans la grande salle alors que presque personne n'était encore là. Il se sentait assez détaché et apathique, mais pas de si mauvaise humeur, au final - affalé sur une chaise au milieu des rangs, la tête renversée en arrière a scruter le plafond pensivement, ses mains tatouées sur ses genoux, la chemise un peu entrouverte et les manches retroussées pour retirer le côté "officiel" de sa tenue. En fait, il aimait bien cette salle. Le bruit de la foule grandissant grouillant sous le plafond voûté et les rires et murmures des étudiants, l'électricité contenue alors que tout le monde n'attendait qu'une chose: aller faire la fête. Les premières années avaient l'air sympa en plus, il y avait des meufs fraîches aussi.

Rassuré par le fait que, de toute manière, s'il perdait sa joie de vivre et son envie de faire la fête, Elyon serait là pour lui mettre une gifle et le tirer partout derrière lui, Yaël se laissait porter par le cours de la soirée. La salle se remplissait doucement, et il commença a se dire qu'il devrait peut être se secouer et commencer a regarder autre chose que le plafond, communiquer, attraper quelques potes qui passeraient par là. Il se redressa un peu sur sa chaise et s'étira.

Comme il s'en était fortement douté en fin de matinée, Elyon n'était pas resté à l'université et n'avait donc pas assisté aux cours de l'après midi. A la place, il était rentré dans l'appartement qu'il occupait toute l'année, avait pris un peu de la salade de fruit qu'il avait préparer l'autre jour en guise de repas, l'appétit n'étant pas particulièrement présent, et avait trainé un peu devant la télé. A 15 heures, il c'était changé et avait fait un saut à la salle pour une petite séance de muscu en autonomie; il avait déjà couru ce matin, mais plus il faisait de sport et mieux il se portait, alors une heure ou deux heures de plus ne lui ferait aucun mal, loin de là, et puis s'il devait retourné à l'université pour écouter le discours qui allait être tenu dans la Grande Salle, il allait avoir besoin de faire preuve de patience. D'une grande patience. Sa séance terminée, il retourna chez lui pour prendre une douche, qui malheureusement étaient communes -avoir une vraie salle de bain, c'était la seule chose qui lui manquait depuis qu'il avait quitter sa famille-, et avait pris soin de s'habiller correctement pour l'occasion. Non pas qu'il s'habillait mal d'habitude, il fit juste un effort dans le but de ne pas se faire remarquer, se doutant que tout le monde se mettrait sur son 31 ce soir là.

A peine avait il mit les pieds dans la salle qu'il regretta d'être venue. La pièce, impressionnante même lorsqu'elle était vide, grouillait d'étudiants de tout âge, certains visiblement excité d'être ici, d'autres bien moins enthousiaste. Putain, il aurait dû venir avec quelqu'un, là il allait se faire chier comme un rat mort en état de décomposition. L'agacement pouvait se lire sur son visage, si bien que certaines personnes se décalèrent même pour le laisser passer lorsqu'il se mit à zigzaguer entre les gens à la recherche d'une place. Il allait jurer à voix haute lorsqu'une personne assise à cinq mètres de lui s'étira. Elyon pouvait reconnaitre ces mains tatouées entre mille, alors c'est sans une seule once d'hésitation qu'il alla s'installer sur la chaise libre à côté de la fameuse personne.

- Range tes ailes Shaw, tu prends trop de place.

Lors de la soirée du 22 septembre, en plein milieu d'un éclat de rire qu'il avait partagé avec Rashel, Eden était devenu froid. Ses yeux s'étaient posés sur l'écran qui faisait office de télévision et passait le célèbre jeu de la roulette. Il avait excusé sa bande d'amis et était juste parti.
Tous les ans en septembre Eden était toujours plus froid et tendu que d'ordinaire. Le traumatisme qu'il avait vécu petit refaisait surface à chaque fois. Il était obligé d'y penser, et se sentir mal à cette période de l'année était tout bonnement naturel. Mais cette année il n'y avait pas pensé, il avait du tomber sur l'émission par hasard pour se souvenir. Et en plus de ressentir la peine et la colère habituelle que cela engendrait, il éprouvait comme une colère envers lui. Comment avait il pu oublié ? Il avait l'impression d'avoir comme abandonné sa mère, s'était comme si en oubliant ce moment il avait oublié d'aimer sa mère. Bête hein, mais Eden est un garçon faut lui pardonner ses bêtises.

Les jours passé avait tous étaient similaires. Il ne voulait pas rire avec les autres, pas envie de faire des crasses à Elie, juste envie de dessiner et casser des gueules. Son art était d'ailleurs devenu sombre, il extériorisait beaucoup avec et étant donné son état d'esprit c'était pas folichon. Lui qui avait tendance à faire des œuvres très colorés la.. c'était bien tout le contraire, à part du rouge qu'il mettait de temps en temps pour attirer le regard sur les points important, tout restait noir et blanc sinon.

Soufflant il s'était préparé pour la soirée. Qu'est ce qu'il en avait rien à foutre de la cérémonie. Il voulait juste respirer l'air extérieur, et vaquer à ses occupations. Nan sérieux ça le saoulait trop, et son aspect physique le montrait bien. Les codes vestimentaires étaient assez strictes donc il ne pouvait pas être en jogging, mais le jean noir assez uniforme qui lui tombait sur les hanches muni de sa célèbre veste à capuche en disait long sur son état d'esprit. Il avait croisé Elie en passant par la pièce principal mais avait feint de ne l'avoir pas vu, écouteur dans les oreilles il s'était rendu dans la salle.

Trop grande, et trop sombre. Il détestait l'endroit. Peut être qu'il aurait pu l'apprécier, il trouvait l'architecture incroyable, visuellement il appréciait mais ce qu'il ressentait dans la salle, bruh, non, déplaisant. Eden se sentait étouffer, comme si l'air le compressait, comme si les murs se repliait sur lui.
Pour une fois Eden était en avance, " il va neiger ", la voix de son père infiltrait son cerveau. Son visage se crispa imperceptiblement. Il regarda les gens déjà assis à leur place, la salle était presque vide alors il n'avait pas de peine à pouvoir le faire. C'est ainsi qu'il croisa le regard ( roulement de tambour ) D'Enyo Merill. Super, sa soirée ne pouvait juste pas être pire. Il haussa un sourcil, disant qu'est ce que tu veux ? Parce que pour croise un regard il faut que la personne nous regarde non ? Puis alla s'asseoir sur une place sur sa gauche. De style à avoir en visuelle la brune, je crois qu'il était d'humeur à la faire chier. Il avait besoin d'évacuer son surplus d'onde négative et elle était juste la personne parfaite. Que la soirée commence.

⠀⠀Côme avait simplement rougi davantage au sourire et au clin d'œil malicieux du garçon. Il avait été complètement incapable de répondre, ne sachant pas comment réagir devant de telles promesses : allait - il sérieusement le protéger, dorénavant ? Etait - il réellement heureux d'être son cavalier pour cette soirée ? Ces questions ne cessaient de tournoyer dans l'esprit du petit brunet, qui avalait difficilement sa salive, espérant sincèrement que son ami ne lui mentait pas, qu'il allait véritablement rester près de lui, à veiller sur lui durant cette soirée, et cela jusqu'à la fin de son année. Quoiqu'il en soit, les deux garçons avaient quitté l'amphithéâtre ensemble et le petit Côme avait supplié Théoden de l'accompagner se changer, dans sa chambre universitaire : fort heureusement, il n'y eut aucun surveillant dans les couloirs. Il lui avait même demandé de choisir sa tenue, ne parvenant malheureusement pas à se décider parmi ses quelques costumes, jolis mais assez simples. Il devait bien avouer que ces tenues n'étaient pas ses favorites : il avait toujours préféré les pulls à bas prix et aux manches trop longues aux vêtements luxueux et taillés. L'ensemble dont il était vêtu était donc dû au choix du Peur, et Côme ne le regrettait pas : d'une part parce que Théoden avait bons goûts, et parce que cela lui avait évité de départager ses préférés...
⠀⠀Ce fut donc quelque peu en retard que le duo arriva dans la salle, propres et changés. Le jeune Tristesse ornait son plus délicat sourire, et attrapa machinalement la main du Peur, lorsqu'il vit le monde déjà présents dans la pièce, légèrement angoissé par tant de public. Respirant calmement, il avala difficilement sa salive lorsqu'il remarqua Eden un petit peu plus loin : il devait absolument lui échapper durant toute la soirée. Tout comme Rashel, ou le reste de ses disciples.

« Où veux - tu t'asseoir...? » demanda - t - il, cherchant tant bien que mal deux places l'une à côté de l'autre.

Alors qu'il commençait tout juste à regarder autour de lui comme un enfant cherchant sa mère dans un supermarché afin de trouver un peu de compagnie et quelqu'un pour le divertir avant le début de la cérémonie, la voix d'Elyon résonna a la droite de Yaël, sa grande carrure apparaissant par la suite. Décalant un peu sa chaise pour faire de la place à son ami, il ricana en frottant ses yeux, encore un peu somnolant.
"Putain sérieux, t'aurais pu venir moins beau gosse, tu vas me voler la vedette là."

Bon, la bonne nouvelle, c'était qu'en dormant autant toute la journée, Yaël allait être en forme pour ce soir. Il pensait déjà aux rues pleines d'étudiants, les groupes de jeunes filles qu'il aborderaient, accoudé sur une des larges épaules d'Elyon en appuyant tout son poids saoul sur lui, les néons dans le fond du bar, son visage sous les lumières bleues dans le miroir des toilettes de la boîte, la musique sourde et les shots qui assèchent la gorge sans le faire grimacer. Il jeta un petit coup d'oeil au visage de son partenaire à ses côtés, sa mâchoire carré, son arcade sourcilière sévère et ce regard brûlant. C'est à cause de cette sale gueule de mec véner que les meufs le préféraient, aussi. Mais bon. Au final, quand elles finissaient par les connaitre, c'était bien vers Yaël qu'elles allaient. Peut-être parce que ça les faisait rire, ce côté "clown de service", donc il n'avait rien à lui envier. Ils étaient vraiment comme le jour et la nuit, ces deux là. Mais c'est ce qui faisait de Yaël un personnage intéressant. Enyo, Elyon... Que des gens avec qui on ne l'imaginerait pas traîner.
"Eh gros, ce soir on va se terminer. Dès que c'est plié leur cérémonie de mes couilles là, on sort d'ici vite et on fuse sur la grande avenue. Il est pas avec toi, Eden?"

Alors qu'elle était tranquillement entrain d'attendre sur sa chaise, une silhouette masculine imposante passa non loin d'elle. Machinalement, et, tout au plus naturellement, elle leva les yeux vers cet individu qui s'avéra être Eden Dewar. Génial. Dans le lot des personnes que la brune ne pouvait strictement pas supporté, le brun y figurait, juste en dessous de son meilleur ami, Ulrich. Et Elyon, mais, ça, c'était avant. Enyo n'avait pas envie de penser à ça maintenant, c'est pour cette raison qu'elle resta figée sur Eden, qui, visiblement, devait se sentir agressée. Toutefois, cela ne l'empêcha pas de prendre place non loin d'elle, où ils pouvaient mutuellement se voir. Quelque chose lui indiquait, au plus profond de son esprit, que cette soirée, en plus d'être ennuyante et fortement pesante sur son moral déjà bien bas, allait être agaçante et pleine de négativité. Il avait des potes, non ? Pourquoi est-ce qu'il n'allait tout simplement pas les rejoindre, au lieu de rester là, à la défier du regard ? Alors, à son tour, la brunette haussa un sourcil, lui lançant un de ses meilleurs regards noirs. Qu'est-ce qu'il pouvait être insupportable...

Assez vite, la brunette reposa son doux regard caramel sur son téléphone, reprenant son fil d'actualité de F.O.M. là où elle l'avait laissé. Cependant, elle n'arrivait pas à se concentrer plus que ça, sentant sans le vouloir la présence dérangeante et agressante du quatrième année. En relevant les yeux, elle aperçut Côme, accompagné de son colocataire, Théoden. Instinctivement, son regard bascula vers Eden. Maintenant, quelque chose de nouveau lui disait qu'elle allait bien le garder à l'oeil, comme une grande soeur le ferait avec son cadet. Oh et puis, si ça pouvait la distraire le temps d'une cérémonie, ça n'allait pas lui demander trop d'énergie.

Théoden avait évidemment accepté d'accompagner Côme se changer. A vrai dire, il ne faisait jamais vraiment attention aux tenues. Il prenait toujours ce qu'il trouvait à l'aveuglette dans l'armoire et étant donné que ses vêtements étaient tous sobres, ils allaient toujours ensembles. Théo avait toujours beaucoup plus de gout quand il s'agissait de donner des conseils vestimentaires aux autres. Il conseilla une tenue simple au jeune homme, de toute façon il se dit que ce n'était pas le genre de Côme de porter des tonnes de fioritures et il imaginait bien. Théoden arriva donc à la soirée avec Côme, il était tout heureux de profiter du temps passé avec le jeune homme. Ils allaient pouvoir encore passer un peu de temps ensemble... Théoden était tout sourire, il regarda qui était présent, observant les visages familiers. Il salua quelques personnes dès qu'il les croisait. Il ignora celles qu'il ne voulait pas voir, comme les acheteurs qui étaient toujours à l'affut. Théoden soupira, il n'avait vraiment pas envie de ça ce soir, il voulait juste profiter de ce moment sans être dérangé par ces petits gosses de riches stupides et pathétiques qui se prennent pour des caïds. Théoden était dans son monde, à regarder ceux qui faisait cette société puis il sentit tout d'un coup une étreinte sur ses doigts. Théoden regarda Côme en souriant puis serra doucement sa main dans la sienne et se rapprocha de lui, Côme avait l'air un peu stressé d'être entouré d'autant de monde.

Il lui murmura « T'inquiète, on va passer une bonne soirée, ne fait pas attention à eux, ils flairent l'angoisse comme les requins flairent le sang. » Il désigna une petite rangée de chaises esseulés. « On se met là bas ? »

- Je te vole toujours la vedette, tout le monde le sait, répondit - il sur le même ton, ne laissant transparaitre aucun signe d'ironie. C'était inutile, Yaël le connaissait bien assez pour savoir que cette remarque n'était absolument pas sérieuse.

Son ami semblait un peu endormi, comme s'il venait d'être tiré de son lit, ce qui était peut-être le cas après tout, puisqu'Elyon ne l'avait pas croisé de la journée, il y avait de forte chance pour que le tatouer soit resté chez lui toute la journée. Peu importe, le principal c'est qu'il soit la maintenant, comme ça la cérémonie allait paraitre plus courte, et ils pourraient se tirer aussi vite qu'ils étaient arrivé pour aller s'éclater. A cet instant précis, le plus grand souhait du brun était de vider une bouteille d'alcool et de s'amuser avec son pote de toujours afin de rajouter un souvenir inoubliable à la liste qui était déjà longue.

- Je n'aurais pas dit mieux. Je sais même pas ce que je branle ici pour tout te dire. Et non, je ne l'ai pas vu de la journée, pourtant je suis rentré après les cours du matin, il devait trainer ici, ou chez je ne sais qui. On l'embarque si on le croise.

Eden, Yaël, Elyon, trois noms qui, mit côte à côte sont synonyme de bonne soirée, pour eux en tout cas, pour les autres c'est une autre histoire, mais si vous êtes dans leur bonne grâce, vous ne risquez rien. Si vous ne l'êtes pas, eh bien il est préférable, si vous tenez à votre tête, de ne pas venir les chercher. On les trouve souvent bien plus vite que prévu.

Rashel ne comptait clairement pas sur la première partie de la soirée pour améliorer sa journée. Les étudiants qui partageaient sa filière et son secteur s'étaient pour la plupart montrés particulièrement insupportables, si bien qu'elle avait attrapé son sac et s'était enfuie de l'amphi pour le dernier cours. Des abrutis. Tous des putains d'abrutis qui polluaient son oxygène par leur simple présence. Aucun goût, aucun style, aucun attrait et aucun intérêt, son amphi semblait avoir regroupé le maximum de personnes fades et inutiles, comme une concentration de fourmis qu'on viendrait éradiquer à grands coups d'insecticides.
La seule perspective agréable était la fin de soirée qui s'offrait à eux, après le discours du gouverneur. C'était tout ce qui lui semblait intéressant, parce qu'elle pourrait profiter des bars pleins à craquer et de l'ambiance festive des rues pour se distraire un peu. Même cette cérémonie lui paraissait sans intérêt et, contrairement à ses homologues du secteur Joie, ne l'enchantait pas réellement. C'était du temps de perdu pour du blablatage inutile sur un système en place depuis des années et qui était parfaitement intégré, à part par quelques récalcitrants stupides et paranoïaques. Vanter les mérites d'une organisation acceptée par plus de la moitié du pays, c'était se lancer des fleurs gratuitement et ça ne ferait que conforter ces pseudos rebelles dans leurs idées délirantes de complot contre l'humanité. Avec un peu de chance, les membres les pus psychotiques du secteur Peur resteront parqués dans leurs chambres pour le plus grand bien de la communauté.
C'est dans cet état d'esprit plus qu'irrité que Rashel Angelov poussa les portes de la salle de réception. Elle s'était glissée dans une sublime robe bleu nuit, presque abyssal, qui épousait parfaitement ses formes et s'arrêtait au-dessus du genou, s'ouvrant sur un dos nu vertigineux et un décolleté très léger. Ses poignets et ses bras, juste au dessus du coude, étaient cerclés d'élégants bracelets en argent venant habillés ses bras nus, et un collier en argent agrémentés de saphir, offert par son frère avant que ce dernier ne disparaisse comme un lâche, trônait à son cou. De simples petites boucles d'oreilles en saphir également se distinguaient lorsqu'elle balançait ses cheveux en arrière, qu'elle avait exceptionnellement lissés pour l'occasion. Elle avait préféré miser sur la tenue plus que sur le maquillage, se contentant d'un trait d'eye-liner et d'un bon coup de mascara, avant de se jucher sur une paire de talons noirs et de glisser son portable et ses clés dans une petite pochette. Beaucoup d’apparats pour pas grand chose au final, mais elle savait que plus que quiconque ici, elle ne pouvait se permettre de venir en jean t-shirt. Vu les relations que sa famille entretenaient avec le gouvernement, la fille Angelov avait plutôt grand intérêt à se montrer correcte à ce genre de soirées. Le visage fermé et distant, le regard glacial et comme insensible, Rashel s'avança d'un pas aussi traînant que gracieux, cherchant une place tranquille et à l'écart pour écouter d'une oreille distraite ce qui se dirait à cette soirée, avant d'aller en profiter pleinement en centre-ville.

Andy se faisait chier ferme. Elle avait croisé les bras contre sa poitrine et pianotait du bout des doigts contre son verre un passage relativement difficile de son morceau d'entrée au conservatoire. Son verre (servaient-ils de l'alcool par ici ? Tout ce qu'elle pouvait voir c'était du jus de fruit et du Coca) lui faisait l'effet d'un breuvage divin aux vertues étranges qui lui permettait de ne rien faire tout en ayant l'air occupée. Il n'y avait aucun adulte à la ronde et personne ne sembalit prêt à tenir de discours ; or c'était la chose qu'elle attendait pour pouvoir se casser en vitesse et repartir bosser au conservatoire.

Rachel venait de pénétrer dans la pièce. Comme toujours, elle attirait quelques regards, dont celui d'Andy, qui était fort désintéressée mais qui prit tout de même le temps de la saluer d'un vague signe de la main. Après tout, elles vivaient ensemble, et Andy n'avait pas encore trouvé de raison de la détester. En plus, vu l'effort vestimentaire dont elle avait clairement fait preuve, elle avait dû passer la journée à se préparer à l'appartement. Andy se détacha du mur à la manière d'un chat ayant posé les yeux sur une proie intéressante et resta quelques secondes en suspend debout au milieu de la cohue des étudiants. Après une légère hésitation, elle traversa la salle et se planta devant Rashel (faisait-elle semblant de ne pas la voir ?), les mains sagement croisées dans le dos. À ses côtés, Andy était plus petite d'une bonne tête ; ce qui n'était pas très surprenant, car Andy était généralement plus petite et plus jeune que tout le monde. D'un air détaché, scrutant sa colocataire d'en bas, elle lui effleura le bras pour attester de sa présence.

- Salut. Je pensais que t'allais pas venir, tu vois. Pas trop ton genre de soirée. Remarque, la robe fait son effet, ajouta-t-elle avec un sourire.

Si Rashel n'était pas particulièrement la personne la plus empathique du monde, Andy aimait bien ses manières brusques et directes, et elles partagaient certains traits de caractère qui faisaient qu'elles vivaient une entente tranquille et que l'appartement ne s'était pas transformé en terrain de guerre. La jeune fille, son air rayonnant au visage (personne n'aurait deviné qu'elle avait bossé depuis quatre heures du matin sur un exercice à préparer pour son cours de mathématiques) fit un geste pour ranger ses cheveux derrière son oreille et regarda son verre d'un air déçu.

- Dis-moi qu'ils servent de l'alcool, ici.

Une ombre plus petite qu'elle, d'autant plus avec ses talons élançant sa silhouette, vint se planter devant Rashel, presque hésitante. La bulgare retint un soupir, daignant poser un regard sur l'audacieuse qui venait à sa rencontre avant de lâcher ledit soupir. Fort heureusement pour elle, il s'agissait d'Andy, sa colocataire et sans doute l'une des rares personnes qui méritait qu'on lui accorde de l'intérêt. Elle n'était pas fade, au moins. Un peu trop gentille peut-être, certainement naïve, mais suffisamment intéressante et agréable pour que Rashel ne la pousse pas à changer de chambre afin de la conserver pour elle toute seule. A vrai dire, la jeune fille ne l'avait pas vraiment remarqué, tout comme elle n'avait pas vraiment remarqué une personne en particulier. Rashel n'était pas du genre à remarquer les gens, c'était l'inverse qui se produisait et pas autrement. Elle se raidit presque imperceptiblement au contact de la jolie blonde qui était venue vers elle, n'étant que très peu habituée à ce genre de familiarité qu'elle tolérait chez très peu de personnes, mais était finalement rassurée de trouver parmi cette foule d'ignares une personne intelligente, aussi laissa-t-elle couler. Elle adressa un léger sourire à sa colocataire avant de répondre.

-Je t'avoue volontiers que je ne suis pas franchement emballée par la perspective de rester assise à écouter un discours qu'on nous a déjà présenter des dizaines de fois. Mais... Je dois y être, éluda-t-elle sans chercher à entrer dans les détails. Et merci pour la robe, ajouta-t-elle avec un sourire légèrement reconnaissant.

Si d'ordinaire Rashel n'était pas du genre à tourner autour du pot, elle n'avait pas très envie de s'étaler sur le sujet de sa présence ici. Déjà, c'était presque une obligation quand on venait de son secteur, sinon les Peurs auraient certainement hurlé des jours durant que les Joies désertaient le gouvernement. Et puis - enfin, surtout même -, Rashel savait que ses parents, son père particulièrement, désirait qu'elle soit toujours présente à ce type de cérémonies. Et malgré son absence totale d'estime envers ses géniteurs, la petite Angelov continuait de se sentir impliquée dans leurs affaires et de suivre les "conseils" qu'on lui imposait.
Rashel observa alors le verre d'Andy, qui devait probablement contenir tout sauf de l'alcool, et remonta ses yeux de glace sur sa main, rangea quelques mèches blondes derrière son oreille. Des yeux d'iceberg qui s'apparentaient davantage au scanner à cet instant, alors qu'elle déviait ses prunelles sur le reste de la salle. Elle finit par hausser les épaules.

-J'en suis pas certaine. J'imagine mal l'université présenter des étudiants alcoolisés face au gouverneur. A moins qu'un petit malin en ai amené quelque part, ce qui m'arrangerait également je t'assure.

Andy poussa une sorte de grognement excédé, les yeux attirés par les jolies couleurs des lampes au plafond.

- C'est sûr. C'est tous les ans comme ça, je suppose ?

Elle avait vu juste. Bien qu'elle ne soit à la faculté que depuis quelques semaines (son déménagement s'était fait anarchiquement et en plusieurs fois, avec des types sensés être professionnels qui avaient brisé au moins la moitié de toute la vaiselle dont elle disposait sous le regard horrifié de Lip) elle avait rapidement saisi la chanson d'un tel endroit. Les joies gèrent leur propre monde à l'image de gentils truands et martyrisent les autres, ni plus ni moins. Surtout les premières années. Andy savait échapper à cela avec une facilité déconcertante, jouant surtout de son charme la moitié du temps, et l'autre moitié en disparaissant comme un fantôme et vaquer à ses occuaptions loin du campus.

C'était drôle, quand on y pense, les deux jeunes filles vivaient ensemble depuis au moins un mois et n'avaient presque jamais tenté de faire connaissance. La raison était bien simple : Andy avait capté que Rashel n'était pas intéressée dans le "small talk" et Andy avait aute chose à faire que de tenter de lui tirer les vers du nez. Si Andy avait la conversation facile et que d'ordinaire tous les adultes lui mangeaient dans la main, elle préférait le silence aux jérémiades insupportables des filles de son âge. Elle termina son verre d'une gorgée et se mit à danser d'un pied sur l'autre pou exprimer son agaçement. Son regard gris/bleu partit se perdre au fond de son verre vide tandis que l'usine à grossièretés se mettait lentement en place.

- Putain, ouais. Je déteste ce genre de réception merdique. J'aurai dû rester à l'appartement. J'avais acheté une bouteille de bon Bourbon l'autre jour, on aurait pu la boire en jouant aux cartes.

La jeune fille était plutôt casanière, ce n'était pas une nouveauté. Si ses talents sociaux la faisaient briller en société, elle était mieux chez elle avec un livre ou à bosser ses cours. Et puis elle faisait tâche au milieu de toutes ces robes de soirées et ces paillettes, elle qui se promenait partout dans les sweats de son frère et ne coiffait ses cheveux qu'un jour sur trois. Elle avait le look décontracté d'une jeune hippie et détestait se mettre sur son trente-et-un, d'où la simple chemise noire et son pantalon de concert.

A vrai dire, tous les représentants du secteur Joies n'étaient pas comme Rashel. Andy dénotait notamment de ses homologues, ou encore Keira, qui entrait partiellement dans les bonnes grâces de Rashel. Ces deux filles se ressemblaient étrangement de par leur douceur et leur simplicité qui contrastait presque violemment avec la luxure habituelle des Joies. La majeure partie de ce secteur n'était composée que de fils et filles à papa capricieux et guindés, ou de personnes aussi banales que transparentes aux yeux du monde, certainement parce qu'ils n'étaient pas assez dépressifs pour aller en Tristesse, pas assez nerveux pour aller en Colère, et pas assez paranoïaques pour aller en Peur. Au final, le secteur Joie ressemblait davantage à un débarras où l'on collait ceux dont on ne savait pas quoi faire. Du moins, c'est ce que la bulgare considérait.

-C'était pas à ce point là l'an dernier, et il y avait beaucoup plus d'absents je crois.

Le regard bleu glace de Rashel dévia à nouveau sur le reste de la salle, inquisiteur, semblant presque s'arrêter sur chacune des personnes présentes dans la salle. Ca et là, elle croisait le regard de quelques personnes, tant des personnes qu'elle tolérait péniblement que d'autres qui étaient devenus ses camardes de beuverie lors des soirées, mais bien davantage de personnes qu'elle ne supportait pas, ou ne voyait même pas. Trop insignifiants sans doute. Finalement, elle laissa tomber son analyse de la pièce pour se focaliser à nouveau sur Andy, laquelle venait de lancer une proposition tout à fait attrayante. La jeune bulgare esquissa un sourire en coin presque indéchiffrable, le regard soudainement malicieux.

-L'idée de siffler cette bouteille de Bourbon est très tentante. On pourrait la ramener et la mettre dans un sac, ça fera passer la soirée plus rapidement, proposa la jeune fille.

Si Andy préférait rester emmitouflée dans sa chambre, ce n'était pas vraiment le cas de Rashel qui adorait les sorties, plus extravagantes les unes que les autres. L'idée même de passer une soirée seule entre les quatre murs de sa chambre parce que sa colocataire squattait la salle de musique jusqu'à 3h du matin ne l'enchantait pas, aussi était-elle très souvent dehors.

"T'es là parce qu'on est obligés, crois moi même moi j'aurais préféré rester dans mon lit."

Yaël jeta un petit coup d'oeil par dessus son épaule pour essayer de repérer Eden autour de lui, mais il aurait été incapable de reconnaître qui que ce soit dans cette salle immense. Les gens se mélangeaient, certains premières années traînaient seuls sur les côtés de la pièce, encore trop timides pour aborder qui que ce soit (des Tristesse, sûrement), et trop de visages étaient familiers. Puis vu comment Eden était scred et mystérieux, il était probablement en train de faire le d4rk-sasuke silencieux dans un coin de la salle, caché entre deux groupes de meufs qui chuchotent sur lui.
D'ailleurs, il se demandait où était Enyo et si elle était déjà arrivée. La dernière fois, ils avaient fait la cérémonie ensemble, regrettant ne pas s'être connu pour leur toute première cérémonie, quand ils venaient d'entrer dans l'Université. Ils étaient assis proche, épaule contre épaule, comme si être présents l'un pour l'autre mentalement et émotionnellement n'était pas assez et qu'ils devaient prouver leur soutien avec un contact physique. C'était il n'y a qu'un an, mais quand il y repense il a l'impression que c'était encore des bébés, elle était encore plus instable et lui il était encore plus anxieux, en sachant encore moins comment le dissimuler. Et puis il n'avait pas croisé la jeune fille de la journée vu qu'il dormait. Il se demandait comment elle allait. Elle était trop sensible à ce genre de cérémonie, avec le gouvernement et tout le tintsouin. Mais bon, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter. Si elle avait vraiment besoin de lui elle l'aurait appelé au téléphone ou réveillé directement. C'est une grande fille. Ils sont pas siamois non plus.
Bref. Elyon.

"J'te le dis si je l'aperçois. D'ailleurs, t'as vu un peu les nouvelles? Y'en a qui sont mignonnes. Faut qu'on en profite, j'pense que c'est la dernière année avant que ce soit chelou qu'on attrape les premières années."

Stanley arpentait, depuis maintenant des dizaines de minutes, le couloir menant à la Grande Salle en long en large et en travers, s'arrêtant à dix pas des portes du lieu de réception, puis repartant dans l'autre sens, nerveux. En effet, après avoir écouté d'une oreille plutôt distraite ses cours dans l'amphi de Sciences et Médecine, il avait regagné son appart' pour poser ses affaires et glander sans rien faire de spécial. Voyant l'heure tourner, il avait revêtu une tenue beaucoup moins formelle que son uniforme, bien décidé à ne pas se parer pour la gueule des gens qu'il allait voir. Mais, le peu de volonté qu'il avait d'assister à l'évènement disparaissait à mesure qu'il se rapprochait de la salle, l'amenant ainsi à faire les cent pas dans le couloir. Franchement, il en faisait trop, et il le savait. Il aurait même pu ressentir de la honte, à ce moment là, à propos de ses réactions idiotes, face aux flux de moins en moins importants d'étudiants, qui se précipitaient vers la Grande Salle, à mesure que l'heure de la réception approchait. Néanmoins, il se désintéressait pas mal de ce qui se passait autour de lui, et éprouvait seulement de la honte envers lui-même face à son dilemme: Rentrer ou pas. Le seul fait de se poser la question le rendait fou. Elder... Il était ici. Lui, le dirigeant, le gouverneur, le représentant, le symbole même du pouvoir. Et il ne pouvait pas s'imaginer dans la même pièce que ce déchet, cette ordure, cette saloperie. Il serra les poings, irrité, et fit hargneusement volte face en direction opposée des portes. A ce stade, la solution était toute trouvée: regagner son appart' et vaquer paisiblement à ses minables occupations. Mais en réalité, Stan avait beau se dire qu'il ne pouvait pas réussir à rentrer dans la salle, ce qui le mettait en rogne, c'était qu'il était certain qu'il le pouvait, et qu'il le ferait, pour la simple et bonne raison qu'il avait peur. S'il craquait, s'il explosait de rage en pleine cérémonie ?... Non, ça, il n'oserait pas, justement. Et son manque d'audace et d'assurance le rendait complètement malade. En effet, cet épouvantable effroi qu'il ressentait envers le gouverneur lui bouffait le peu de clairvoyance qu'il lui restait. Oui, qu'était il capable de faire, cet Elder, là, tout de suite, maintenant ? Il était capable du pire, ça, Stan en était certain. Pourraient-il, Elder et ZIA, avoir eu vent par un malheureux hasard de sa banale existence ? Il est vrai qu'il n'avait, certes, pas accompli d'actes en tant que tels qui méritaient le moindre encadrement, mais ils pouvaient essayer de contrôler n'importe qui, non ? Ce ne pouvait pas être une simple visite à Temperamental, une commune tradition officielle ? Un politique démoniaque et sournois comme lui, accomplir des actions dépourvues de soif de pouvoir ? L'étudiant se dit stupidement qu'il ne devait peut-être pas entretenir de telles pensées aussi près de celui qui lui inspirait cette terreur et il fulminait en même temps intérieurement contre sa propre niaiserie. Stan voulait partir, il voulait vraiment échapper à cet interminable moment, qui ne représentait que tourments et supplices à ses yeux. Mais, si on remarquait son absence ? Et si on commençait à faire un appel de tous les étudiants ...? Ils étaient peut-être trop nombreux... Il ralentit tout à coup sa marche incessante à mi chemin vers l'entrée de la Grande Salle... Depuis quand se souciait-il de ce genre de détails ? Il n'en avait toujours rien à foutre. La panique le faisait bel et bien délirer.

Il s'arrêta pour la énième fois devant la salle de réception, plus ou moins résolu à se comporter comme les autres. Il poussa alors la porte à grand regret, s'obstinant à se dire que sa peur ne devait pas l'emporter, même si c'était déjà peine perdu. À l'intérieur, la masse grouillante d'individus lui donna envie de faire demi-tour illico. Cependant, Stan, paralysé par la peur du gouverneur, se faufila à travers la foule et, après s'être planté au beau milieu de la salle pour décider pendant un plus que long instant s'il pouvait s'asseoir au tout dernier rang ou plutôt vers le milieu, de peur de trop attirer l'attention s'il était sur les derniers sièges, prit place sur une chaise à l'extrémité d'une des dernières rangées. Il essayait désormais de masquer, en vain, une certaine anxiété - qu'il ne manifestait que très rarement -, hélas semblable à celle d'autres étudiants, qui, d'ailleurs, le répugnaient, tenant en haute estime cet évènement. La hargne avait bel et bien disparu pour laisser place à une frousse qui écœurait le jeune homme plus que tout. Il commença, dès lors, à attendre, non sans mal, le début, mais surtout la fin, de cette foutue cérémonie.

La présence de Andy chez les Joies tombait sous le sens. Si elle était ce qu'on pouvait appeler une fille à papa, c'était sans connaître la relation conflictuelle qu'elle avait avec son paternel. N'ayant jamais manqué de rien, elle n'avait pourtant pas eu l'enfance la plus heureuse : petit prodige sur les routes de l'Europe avec son père megalo décidé à mettre sa fille sur le devant de la scène et sa mère folle à lier enfermée dans divers hôpitaux. Andy n'avait pas l'étoffe d'une Joie mais elle se glissait dans les rangs avec une facilité déconcertante. Quand on a grandi sur la route, on fait preuve de grandes capacités d'adaptation. Andy soupira, tira une chaise et s'y assit en tailleurs, les cheveux dans les yeux.
- N'empêche que ça me fait chier.
Elle avait apporté un livre, comme en toute circonstance, mais ne l'ouvrait pas par respect pour Rashel qui faisait gentilement la conversation. De plus, avec les folleries du début d'année et son concours au conservatoire, elle était à peine sortie ces dernières semaines. Ce soir, elle comptait se rattraper.
- Eh bien, on pourra après, si tu veux. Moi ça me dérange pas. Et avec tout le stress des concours une bonne murge me fera pas de mal. Tu sors avec des amis après ?
Elle n'avait pas la moindre gêne de s'incruster. Andy était profondément sociable ; ça tournait presque au don. Elle pouvait faire la conversation avec n'importe qui, des clients friqués de son père aux femmes de ménage cambodgien qui baraguinait dans un anglais incompréhensible. Elle se mit à pianoter du bout des doigts sur le coin de la table.

C'était sans doute pour cette raison que Rashel ne parvenait pas à trouver quoi que ce soit de trop dérangeant chez Andy Paganini. Sa capacité d'adaptation lui faisait penser à un véritable caméléon relationnel, qui savait se fondre dans le décor et s'intégrer à n'importe quel groupe avec une simplicité efficace. La jeune fille était souriante, bonne vivante et en même temps sérieuse, aussi la petite bulgare intransigeante avec son entourage ne pouvait, en toute honnêteté, lui attribuait un quelconque défaut, d'autant plus qu'elles ne se connaissaient pas assez bien pour le dire.
Bon, peut-être que Miss Angelov abusait un peu en prétendant que la moitié de la promo du secteur Joie avait le même caractère hautain et méprisant qu'elle, puisque bon nombre ressemblait malgré tout à des filles comme Andy, sympathiques et agréables. La concernant elle, ça ne faisait aucun doute que Rashel avait le secteur Joie dans les veines. On lui avait inculqué le pouvoir et la supériorité, le mépris et la froideur, l'absence d'empathie ou de remords. Elle n'aurait jamais pu se retrouver dans un autre secteur que ce dernier, hormis peut-être le Colère, de part la haine et la rancœur débordante envers le monde entier qui l'habitait. Mais Rashel paraissait sans doute bien trop douce pour cette catégorie. Non, indubitablement, le monde des Joies était fait pour elle.
La bulgare préféra ne rien répondre à la réponse d'Andy concernant son ennui. Elle disait vrai, aucun doute là-dessus. N'importe quel étudiant présent dans cette salle devait considérablement s'ennuyer, mais beaucoup faisaient l'effort de s'y rendre, ne serait-ce que pour la forme ou par obligation. Rashel avait même repéré discrètement le livre que sa colocataire avait ramené, s'y attardant le temps d'en déchiffrer le titre. Finalement, à la question de la blonde près d'elle, la jeune fille hocha la tête légèrement.

-Avec plaisir. Et oui, je compte sortir. Je n'ai personne à retrouver, du moins rien de prévu, mais ce n'est pas très compliqué de trouver des acolytes le temps d'une soirée. Peut-être Eden, même si ça fait un moment que je ne l'ai pas croisé.

Au même moment, Rashel repéra un peu à l'écart un petit buffet (j'imagine qu'il y en a un, au pire tant pis il sera imaginaire mdr sorry) où quelques plateaux exposaient des petits fours en guise d'apéritif pour patienter jusqu'à l'arrivée du gouverneur. Et à côté, une ribambelle de coupe de champagne qui avait de suite attiré le regard de glace de la petite blonde, qui désigna du menton le buffet à sa camarade, l'entraînant sans plus de formalités dans cette direction. Elle s'empara de deux coupe de champagne, en tendant une à Andy avant de tremper ses lèvres dans la boisson aux fines bulles délicieuses. Ses ongles parfaitement manucurés entouraient avec délicatesse le verre fin, et pianotaient de temps à autre à un rythme discontinu, comme par nervosité.

Obliger, c'était le mot. Ils étaient tous obligés d'être ici, déjà pour le simple fait qu'il serait extrêmement mal vu de ne pas être présent alors que le président Elder se donnait le mal d'être ici. Pff, il ne devait avoir que ça à foutre de sa vie de toute façon, ce que les autres voyaient comme une grâce du gouvernement était une banalité aux yeux d'Elyon. Ils (Elder et ZIA) leur devaient bien ça, personne n'avait demandé à faire partie de ce système, alors ils pouvaient bien jouer les faux culs le temps d'un discours pour faire croire à tous les élèves présents qu'ils avaient tous un rôle important dans la société, bla bla bla. Tout cela l'ennuyait, il n'en avait rien à foutre qu'un mec qu'il ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve vienne le féliciter pour une chose dont il se fichait également, il n'avait pas besoin de cela. Heureusement qu'il allait pouvoir se déchirer et profiter juste après.

- Grave. Certaines sont même plus que mignonnes, répondit - il, un rictus en coin. C'est clair, putain tu te rends compte ? Ils vont même nous péter les couilles pour les meufs, limite on va devoir faire le listing de qui est-ce qu'on a soulevé dans l'année.
Ce serait franchement étrange, si le truc de la liste se mettait en place (déjà pour certain elle serait trop longue), quoi que, qui sait ce que ZIA bidouille dans le dos du monde, peut - être un truc bien plus tordu. Elyon c'était toujours un peu méfier d'elle, tout comme il se méfiait du Gouverneur, et de la politique en générale.
- Enfin bon, tu me diras c'est pas bien grave puisque les plus intéressantes ne sont pas en première années, pour la plupart, ajouta t - il en lançant un regard attendu à son ami.

Ce n'était pas un secret, même si Enyo était, depuis un bon moment, dans le viseur du brun, il ne se privait absolument pas pour avoir de nouvelles conquêtes, qu'il n'avait aucun mal à se faire dans la mesure où certaines ne cherchaient pas plus loin que le physique; il n'avait jamais voulu comprendre le pourquoi du comment, mais il était clair que les mecs aux allures de connards attirent les meufs, manquent de chance pour elle, il n'avait pas que l'apparence d'un mec vénère, s'en était vraiment un. C'est là que Yaël avait bien plus de succès que lui, mais Elyon s'en foutait, ce qu'il voulait c'était tiré son coup, pas se faire aimer, loin de lui ce sentiment répugnant qu'est l'amour.

- Ils vont la commencer leur cérémonie où ils attendent qu'on crève sur nos chaises ?

L'idée de s'enfuir de la Grande Salle plaisait bien à Andy, même si elle savait pertinemment qu'ils allaient devoir affronter le long discours de début d'année avant de pouvoir prendre la poudre d'escampette. Une nouvelle fois, la jeune fille poussa un soupire excédé tout en souriant du coin des lèvres, dans une humeur espiègle teinté de fatigue. Elle tiqua à la mention du nom d'Eden, se demandant si ce nom devait réveiller un souvenir dans son esprit. Elle jouait avec son verre en passant son doigt sur les rebords. Si ça avait été un verre en cristal, il en serait sorti un son à la limite du grinçant qui aurait fait grincer des dents toute l'assemblée.
- Okay, c'est cool pour moi. Eden ? Je crois pas le connaitre. C'est un deuxième année aussi ?
Andy connaissait de vue quelques personnes dans les années supérieures mais avait du mal à y attribuer des prénoms. Remarque, cela valait aussi pour les premières années. Sa scolarité avait à peine commencé, aussi elle s'excusant volontiers cette faille.
La vue du champagne eut le don de la faire sourire largement.
- Oh, nickel ! Envoie, envoie.
Le champagne dans sa bouche lui fit l'effet d'un mini feu d'artifice. Tout sourire, elle fit tinter son verre contre celui de Rashel : santé !
Elle était très contente de la perspective de sortir après le discours et de rencontrer de nouvelles personnes. Trop longtemps qu'elle bossait dans sa chambre en vivant de crackers et de café froid, il fallait qu'elle sorte. Et puis, ses liens sociaux n'allaient pas se tisser tout seuls. Après une autre gorgé de champagne, elle piqua dans une assiette un petit chausson à la saucisse.
- J'ai mon concours pour le conservatoire dans trois jours, alors j'ai bien le droit de m'amuser, hein ?

Une petite seconde, il y avait donc vraiment quelqu'un dans cette université qui ignorait qui était Eden Dewar, l'un des types les plus populaires et réputés du coin ? Visiblement oui. A croire qu'en dehors de ses partitions et de ses bouquins de mathématiques, Andy ne devait pas lever souvent les yeux autour d'elle. Peut-être que leur chambre s'apparentait davantage à une grotte coupée du monde extérieur aux yeux de la première année. Bientôt, elle finirait par oublier que Rashel était sa colocataire, si ça se trouve. Bon, elle n'était qu'en première année et l'année venait à peine de commencer, alors admettons. C'était surprenant quand même, mais passons.
Arquant un sourire sans chercher une seconde à masquer son étonnement et son air presque ahuri se traduisant par un léger rire étouffé, la petite Angelov dévisagea un instant sa camarade, cherchant à savoir si elle plaisantait ou non. Mais ne trouvant aucune trace de plaisanterie sur son visage, la bulgare du conclure que sa colocataire était très loin de la vie étudiante. Elle reposa les yeux sur son verre, dont le breuvage pétillant tremblait encore après avoir trinquer, et en but une gorgée comme pour ne pas se focaliser sur l'ignorance d'Andy.

-Hmm, pas vraiment. C'est un quatrième année en fac d'art. Le genre de mec que tu auras plus de chance de croiser accoudé au bar que penché sur une table à réviser.

Finalement, Rashel suivit le mouvement de sa jeune colocataire en s'emparant d'un petit four, qu'elle fit tourner entre ses doigts fins en l'observant avant de le croquer délicatement. La question rhétorique de la jeune fille la fit sourire. La bulgare avait bien raison en affirmant qu'Andy passait davantage de temps avec ses partitions qu'avec des êtres humains. Mais parfois, mieux valait fréquenter des choses inertes que des personnes sans intérêt. Une main se posa sur son épaule et, en se retournant, elle reconnut Adam (merci Este merci Romane autant l'utiliser hein mdr), un Joie qui passait le plus clair de son temps à lui cirer les pompes et exécuter le moindre de ses petits désirs, certainement dans l'espoir d'obtenir quelque chose d'elle. Il n'était malheureusement intéressant que parce qu'il faisait ce qu'elle réclamait, mais en y regardant bien, c'était le vide abyssal qui peuplait son crâne de béluga. Néanmoins, la bulgare le salua, échangea deux banalités avant de lui tourner le dos pour converser avec Andy, nettement plus intéressante, il fallait l'admettre. Que disait-elle déjà ? Ah oui, son audition. Rashel eu un léger sourire amusé.

-Tu as bien raison. Comment tu le sens ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Rashel était réellement intéressée par ce que faisait sa camarade, même si elle ne l'avouait que très - trop - rarement. L'art avait toujours été un domaine fascinant aux yeux de la jeune fille, quoi qu'il s'en dise dans les couloirs de l'université.

Yaël ricana un peu aux remarques de Elyon en se rasseyant normalement, secouant légèrement la tête.
"Oui enfin, ça dépend ce que t'appelle intéressante, ça regorge pas grave de meufs qui valent le coup à mort ici."
Il se rendait compte en le disant que ça faisait un peu adolescent capricieux, mais ça n'empêchait pas Yaël de penser ce qu'il disait. Jusqu'ici, il n'avait pas vécu de grande histoire d'amour, malgré ses conquêtes brèves, ses petits intérêts de passage et ses débuts de relations qui tombaient à l'eau systématiquement. Cependant, il s'en fichait un peu. Ces petites déceptions ne lui avaient jamais vraiment brisé le coeur ou changé sa vie, au même niveau que le romantisme et les relations amoureuses n'avaient jamais vraiment rajouté quoi que ce soit de consistant et de vraiment palpitant à sa vie quotidienne. A chaque fois qu'il commençait a entrer dans quelque chose de concret, c'est comme si un fossé se creusait instantanément entre lui et le sexe opposé. Peut être que c'était lui, ou elles, ou juste l'âge. Mais ça n'avait aucune importance.
Remarque, maintenant qu'il y pensait, c'est vrai qu'il n'avait jamais vraiment vu Elyon s'intéresser à qui que ce soit dans cette Université - alors soit il était très secret concernant ses petites amourettes et ses crush (ce qui étonnerait beaucoup Yaël!), soit il parlait d'une façon très spécifique de quelqu'un en particulier. Peu importe, Yaël n'avait pas la référence et ça le regardait pas tant qu'on ne lui en parlait pas. Et puis tant que ça l'empêchait pas de lâcher des regard sur le côté aux jeunes filles qui passent, ça voulait dire qu'il avait pas perdu son bon vieux Elyon, donc tout allait bien.

"T'inquiète, ils devraient pas tarder. Ca ressemble pas au gouvernement de pas être ponctuel."
La grande estrade principale au fond de la grande salle restait vide, malgré le fait que les gens s'installaient sur leurs chaises tout autour d'eux. Yaël jeta un petit regard sur le côté et ajouta en levant les sourcils d'un air désintéressé, chuchotant a moitié entre ses dents serrées.
"Ils sont toujours super précis quand il s'agit d'être sur notre dos et nous surveiller donc bon. C'est le minimum, qu'ils respectent les horaires qu'ils nous donnent."
Il se rendit compte en murmurant que c'était ridicule de baisser la voix, comme s'il voulait que quelqu'un entende, comme si on l'écoutait parler. Il passait sa vie à vivre le plus bruyamment possible, en contournant les règles, pour ne pas tomber dans la paranoïa à croire qu'on le surveille constamment pour qu'il reste à sa place. Alors chuchoter, c'était un réflèxe vraiment ridicule.

Tout dépend de ce que l'on recherchait, c'est clair, mais dans le cas d'Elyon, quand on ne recherche rien de durable, de sérieux, elles n'ont pas à être intéressantes plus de vingt quatre heures, ça facilite la tâche. Il ne s'attardait jamais sur personne une fois qu'il avait obtenu ce qu'il voulait. Enfin, jamais, c'était faux. Il y en avait eu une, Ava, mais il c'était tellement fait violence pour faire comme si elle n'avait pas existé, qu'il serait bête de la mentionner de nouveau. Et puis il n'avait jamais rien eu d'officiel entre eux; pourtant c'est sans aucun doute la fille avec qui il a passé le plus de temps dans sa vie, la première qu'il ait commencé à considérer comme un peu plus qu'un simple coup, mais ça il ne l'a jamais accepté, c'est d'ailleurs pour cela qu'il l'avait rejeté comme si elle n'était qu'un vieux déchet. Bref, ne rien dire, c'est plus simple, ça permet d'éviter les questions, et surtout de devoir donner des réponses qui n'étaient pas forcement en sa possession. De toute façon Yaël posait rarement ce genre de question, était-ce volontaire ou non ? Elyon l'ignorait, et, encore une fois, il ne lui demanderait pas.

- Qu'est-ce qu'ils en on a faire d'être à l'heure ou non ? Ils n'en ont rien à foutre, parce que de toute façon qui va dire quoi que ce soit s'ils nous font attendre une heure, deux heures de plus que ce qui était prévu ? Personne, lâcha t - il de sa voix grave. Heureusement qu'ils ne font pas comme à l'époque, qu'ils n'interviewent pas les étudiants aux hasards lors de ce genre d'évènements, parce que je ne me gênerait pas pour leur cracher à la gueule. Mais bon, faut pas oublier que l'on est dans une dictature, qui sait ce qu'ils font à ceux qui osent ouvrir la bouche pour faire autre chose que de lécher le cul à Elder.

Oui, il râlait. Et quand il râlait, il se fichait bien des oreilles trainantes qui pouvaient l'entendre, alors, contrairement au tatoué qui lui, avait le reflexe de baisser la voix, le brun lui, avait tendance à légèrement hausser la voix. Il ne criait pas non plus, mais on pouvait facilement reconnaitre la colère dans le ton qu'il employait. On ne refait pas un Colère. On ne refait pas Elyon Jenkins surtout.

Voulait elle jouer avec plus fort qu'elle ? Lui renvoyait elle son haussement de sourcil là ? Mais qu'est ce qu'elle était folle celle là. Eden la détestait. Pourquoi ? Lui même le savait pas, c'était comme qui dirait physique, et puis il savait qu'elle ne l'appréciait pas non plus alors il avait un peu décidé que ce serait réciproque. Pas ouf la raison hein, faut pas chercher compliqué parfois.

Il la fusilla de nouveau du regard, puéril ? Rien à foutre. Puis se concentra autre part. Mais son comportement de collégien ne pouvait s'empêcher de vouloir gagner cette espèce de jeu de cassage de tête et son attention se reporta sur la jeune Merill. C'est ainsi qu'il la vit porter les yeux sur une personne avant qu'ils ne reviennent sur lui, et de le fusiller encore plus. Curieux il porta son regard sur ce qu'elle avait vu, et un sourire limite sournois vint orner ses lèvres. Sourire qu'il garda en regardant Enyo. Il les savait amis et elle devait donc être au courant de la petite histoire et si elle pensait qu'Eden voudrait lui faire du mal ce devrait encore plus lui casser la tête non ? C'était ce qu'il se disait, il avait vraiment qu'une occupation pour l'instant : l'emmerder.

Ah d'ailleurs Côme, Côme, Côme. Eden attendait toujours sa confrontation, et le temps passait et il ne l'avait toujours pas, et ça ça l'énervait. Lui qui avait pourtant à l'idée de juste demander des explications sans aucunes violences, voilà que le faire tourner en bourrique n'aider pas à calmer le jeu. Ce soir, après le discours, durant le moment de célébration Eden irait parler à Côme, ce soir les explications seraient présentes. Il l'avait décidé. Et qu'il ne compte pas sur ses amis pour lui sauver la mise.

En parlant d'amis, Eden ne savait même pas si les siens étaient présent. Rashel était surement la quelque part dans cette masse d'étudiant, c'était vraiment le genre de truc qu'elle ne pouvait se permettre de rater. Mais Eden n'aurait pas été surpris d'apprendre qu'Elyon et Yael ait réussit à éviter ce supplice de cérémonie, alors il se demandait quelque peu si ses potes étaient là. Bien que le quatrième année les avait un peu esquivé ses derniers jours il ne pouvait s'empêcher de se questionner.

Intéressée par la description d'Eden faite par Rashel, la jeune Andy leva la tête vers elle et haussa un sourcil.
- Je vois, donc c'est pertinent de notre part de vouloir faire la fête avec lui.
Elle n'était pas gênée par le fait qu'il ai facilement cinq ans de plus qu'elle. C'était le cas de Lip et son frère était le mec le plus cool qu'elle connaissait. Se remémorant les amusement fraternels dans des scènes vivides de son enfance, elle élargit son sourire et fit tourner la coupe de champagne entre ses mains. Fac d'art, en plus, voilà qui se rapprochait pas mal de sa dominante à elle, toutes mathématiques mises à part. Quand elle était plus jeune, elle adorait peindre. C'etait son père, en parfait bourreau, qui le lui interdisait parce qu'elle « devait se focaliser sur la musique ». Si elle avait montré un talent autre que le violon des son plus jeune âge, que ce fut l'aquarelle ou la réalisation de modèles réduits, son père aurait de même occulté toute autre activité pour qu'elle ne se focalise que sur celle où elle excellait.
Ah même moment, alors que Andy allait reprendre une gorgée de son verre, un type inconnu débarqua de nul part pour accaparer Rashel d'une conversation futile et rapide. La jeune fille le salua d'un mouvement de tête et s'intéressa aux mouvement des élèves autour d'elle. Certains n'étaient là que par obligation et étaient venus seuls ; ceux-ci était attablés en silence et buvaient dans leur verre en regardant autour d'eux à la recherche de visages familiers ; d'autres étaient venus en groupe et riaient fort en signe du bonheur de leur rencontre. Finalement, Rashel reprit la conversation là même où elle l'avait abandonné et Andy rebondit sur sa question d'un air sûr de lui et légèrement ennuyée. Il y a longtemps qu'elle ne doutait plus de ses capacités musicales. Quand on avait voyagé au travers le monde depuis ses six ans, rien ne semblait insurmontable.
- Ça va le faire. Le morceau n'est pas si dur, mais j'ai quelques lacunes en solfège qui font que je dois travailler plus que nécessaire. Et toi, des projets pour cette année ?

Il est vrai que si l'on cherchait un bon binôme pour mener à bien une soirée, on pouvait compter sur Eden les yeux fermés. Yaël également, c'était le genre de type qui oubliait toutes les stigmatisations le temps d'un bon verre et qui illuminait la soirée, et Elyon, malgré sa réticence - que dis-je, son incapacité - à décrocher un mot agréable en sa présence, qui était assez réputé pour mettre une putain d'ambiance. Rashel hocha donc la tête, un léger sourire aux lèvres. C'est vrai que le quatrième année était certainement la personne à qui elle accordait le plus d'estime sur tout le campus. Mais pour décaler en soirée avec lui, encore faudrait-il savoir où il était, puisqu'il semblait s'être éteint de la circulation depuis quelques jours.

-Si tu veux passer une bonne soirée, c'est clairement le type qu'il faut appeler je trouve.

La bulgare reprit une gorgée de son verre, écoutant avec une attention non feinte la réponse d'Andy. L'art avait toujours été un domaine fascinant aux yeux de Rashel, qui ne pouvait malheureusement pas exprimer pleinement ses capacités dans ce monde qu'on lui avait toujours interdit. Elle avait tant appris que son imagination, sa créativité et ses talents devaient s'exploiter uniquement dans l'intimité, qu'elle n'avait même pas songé une seule seconde à s'inscrire en fac d'art en entrant à l'université. Finalement, la psychologie avait malgré tout été un bon compromis, elle qui pouvait utiliser ses cours pour mieux se couper du monde et trouver plus rapidement le bon bouton chez les autres pour faire sauter les câbles un à un et les réduire à néant. C'était plaisant et intéressant, au final, alors elle avait foutu le monde artistique dans l'oubli pour ne le ressortir que lorsqu'elle se trouvait seule sur un parquet de danse. Jamais ailleurs.
C'est vrai qu'elle n'avait jamais pris la peine d'écouter plus que ça le travail d'Andy et, dans un sens, c'était dommage, la jeune fille devait être très douée. Il faudrait qu'elle pense à s'y intéresser d'un peu plus près, dans l'avenir. Mais pour toute réponse, Rashel haussa les épaules avec nonchalance en soupirant légèrement, comme si ses "projets" n'avaient pas grande importance. La vérité, c'est qu'elle ne savait même pas quoi faire. Elle n'avait aucun projet, parce qu'elle n'avait personne avec qui les partager.

-Il faudra que tu me fasses écouter alors. Et moi... Non, rien de très abouti pour le moment, je préfère prendre mon temps. Planifier, perfectionner.

Comme pour détourner la conversation, qui risquait de dériver sur un terrain trop personnel pour la fille Angelov, qui était une véritable tombe concernant sa famille et son monde personnel, Rashel reprit une seconde coupe de champagne d'avance et fit signe à Andy de se diriger vers les chaises installées pour la cérémonie, ses talons claquant avec assurance et malgré tout une certaine légèreté sur le parquet. Elle s'installa avec la première année parmi les autres étudiants, ignorant tout ceux qui l'entourait.

Andy se mit à lorgner autour d'elle, cherchant ce dénommé Eden, curieuse de savoir si elle pouvait deviner qui il était juste d'après les intonations de voix de Rashel et la manière dont elle en parlait. Mais rien à faire, il y avait bien trop de monde pour qu'elle ne réussise à scanner chaque étudiant. De plus, l'ennui le prenant aux tripes (l'ennui était un de ses pires cauchemars. Certains avaient peur du noir ou du vide ; elle c'était l'ennui) et il lui fallait trouver un divertissement suffisamment convenable pour le tromper. Elle s'imaginait mal appeler Eden et lui demander d'aller boire un verre avec ses potes, mais avec Rashel ça allait.

- Ouais, nickel alors. Cool.
Elle arrêta de balayer la foule du regard pour se concentrer à nouveau sur Rashel qui sirotait tranquillement son verre de champagne. Le fait qu'elle n'ai jamais fait attention au travail de Andy n'était pas surprenant, car la jeune fille préférait travailler dans les salles de répétition de la fac plutot que dans sa chambre, où elle risquait de gêner la concentration de quelques uns et d'éreinter la patience de quelques autres. Bientôt, quand elle sera prise au conservatoire, elle pourra utiliser leurs salles. Climatisées en été, chauffées en hiver, avec des machines à café et des fauteuils confortables ; et surtout une acoustique agréable et masquée aux yeux des autres. La jeune fille écouta la réponse de Rashel en hochant la tête.
- Oui, je comprends. Parfois c'est agréable de prendre son temps.
C'était un luxe qu'elle ne s'était jamais offerte. Bourreau de travail avec une propension à la procrastination supérieure à la moyenne, elle travaillait toujours avec un but précis en tête et avait du mal à se jeter à corps perdu dans le travail si elle ne savait pour où elle allait. Elle reprit une flute de champagne à la suite de sa colocataire et trottina tranquillement jusqu'au premier rang, sans réfléchir si la place était réservée aux années supérieures et peu inquiète de prendre la place de quelqu'un d'autre. Elle se pencha vers Rashel et indiquant d'un signe du menton l'espèce de petite scène qu'ils avaient mis en place pour que le président ou que sais-je vienne faire son discours.
- Le blabla dure combien de temps en général ?

"Hm, bref."
Yaël répondit simplement par un bref hochement de tête discret, se redressant sur sa chaise.

Elyon et lui avaient bien évidemment eu maintes discussions sur Elder et le gouvernement, et ils étaient d'accord sur absolument tout - de toute façon, entre Colère et Peur, les étudiants se comprenaient généralement sur ce niveau - mais Yaël refusait toujours d'en parler dans l'Université. Quand c'était dans la rue, en soirée ou dans le parc de l'Université, il s'en fichait, mais dès que c'était dans les locaux, il détournait toujours la conversation. A vrai dire, il n'avait vraiment jamais su si la soi-disant "surveillance" des Peurs étaient de la propagande ou une réalité, mais quoi qu'il en soit, il évitait de lancer de tels grands débats en plein milieu de la Grande Salle, ou dans un amphi. Surtout lui. Après tout, son père n'était pas n'importe qui, alors il se doutait très bien qu'il avait des mentions spéciales sur son dossier, et qu'on avait probablement un oeil sur lui plus que d'autres - Enyo lui avait déjà spécifié qu'elle y avait pensé.
Mais bon, c'était le risque de traîner avec des Colère, après tout. Il les aimait beaucoup parce qu'ils étaient très impulsifs, drôles et l'emmenaient toujours dans des histoires pas possible. Le seul souci avec eux - surtout Elyon, parce qu'Eden était un peu plus discret - c'est qu'ils savaient pas fermer leur bouche, et comprenaient pas le concept qu'il y a un endroit et un contexte pour parler de chaque sujet. Chaque chose en son temps, il faut juste trouver le bon moment.
Mais bon. Elyon avait vraiment pas tort, quoi.

"Et dire que je me suis réveillé exclusivement pour ça, je sais pas ce qui m'a pris de dormir toute la journée putain. T'sais, j'commence à avoir l'espèce de culpabilité post-sèche là, sur la fin de la journée quand t'as réalise que t'as zappé tous tes cours, et que tu sais que ça n'a pas d'importance et que tu vas strictement rien faire, mais ça pique dans la gorge quand même un peu. J'sais même pas si mes coloc on cramé que j'dormais comme un porc."

La Grande Salle

La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle

Re: La Grande Salle